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celtes

  • La légende de Lienne

    Thibaut était un jeune seigneur d'Ardenne.
    Il vivait dans un château, non loin du val de Lienne.
    La vie d'un seigneur, en ces temps lointains, était faite de chasses et de festins. Il aimait chasser dans les profondes forêts d'Ardenne, chevaucher dans les bois en quête des traces de gibier.
    Mais, par contre, la vie de château ne le comblait guère.
    Les festins avec ses pairs lui paraissaient insipides, les querelles et les problèmes des serfs trop terre à terre. Il se languissait.
    Aucune des filles qui passaient par sa table, aucune des filles du bourg qu'il fréquentait, n'arrivait à chasser sa mélancolie. Pourtant, il en était de fort belles.
    Mais Thibaut n'était heureux qu'en galopant dans les bois.
    Lors d'une de ses chasses, il s'était éloigné du groupe, et arriva au bord de la rivière.
    Il était encore tôt, un matin tout lumineux du printemps encore hésitant.
    Il mit pied à terre et laissa là son cheval. Il s'avança le long des berges, en quête de traces.
    La rivière murmurait doucement, et, peu à peu, son chant l'emplit tout entier.
    Il s'arrêta, s'assit sur un rocher, regardant le reflet du ciel dans l'onde, la brume lumineuse qui emplissait le val vers l'amont, et écouta le chant de la rivière.
    Il n’aurait su dire pourquoi ce murmure l'emplissait tant. Vint un rayon de soleil .
    Peu à peu, le chant de la rivière lui devint plus distinct, plus clair, semblant de plus en plus voix de femme.
    Et puis, ce fut vraiment une voix de femme qu'il entendit, sortant de la brume.
    Il s'avança vers le chant.
    Lors, il vit une femme d'une beauté telle que son amour l'emplit tout entier. Il vint vers elle, et elle le vit.
    Ses yeux étaient lumineux, pleins d'une douce sérénité.
    Il lui parla.
    « Qui que tu sois, sache que je n'ai jamais aimé femme plus que toi. Mon nom est Thibaut. Je t'en supplie, viens avec moi jusqu'au château et sois ma compagne »
    Elle répondit.
    « Je te connais, mon âme. Sache que tu ne m’es pas indifférent. Je suis fée. Appelle-moi Lienne.
    Je suis l’esprit de cette rivière, et ne puis.devenir ta compagne »
    Elle disparut.
    Thibaut rentra, désespéré.
    Il ne savait que faire et n'avait personne à qui parler.
    Ses gens s'en inquiétaient.
    Leur seigneur partait de plus en plus souvent dans les bois, chevauchant tout le long du jour et ne rentrant que tard. Il espérait revoir Lienne.
    Un jour, il revint au lieu de la première rencontre, par un doux matin d'été. Un peu de brume traînait sur la rivière. Il s'assit et resta là sans plus rien attendre.
    Soudain il la vit, à quelques mètres de lui, sur l'autre rive, là où ne se trouvaient peu avent que lambeaux de brume bleue.
    Il traversa l'eau et vint vers elle, s'arrêtant quand il perçut son regard, et parla.
    « Lienne, mon âme, je ne sais plus que faire.Mon cœur se languit de toi, je perds l'appétit et le goût même de la vie. Sois ma femme, je saurai te rendre heureuse. »
    La fée parla alors.
    « J'accepte, mon âme.
    Je te suivrai et serai ta compagne, mon cœur te fait confiance. Mais sache qu'il ne m'est pas permis de rester plus de trois ans en ce monde. Après ce temps, je disparaîtrai et tu ne devras d'aucune manière chercher à me revoir. »
    Le mariage fut célébré à la fête des moissons, et il y eut trois jours et trois nuits de fêtes et de festins.
    Nombreux furent les musiciens et conteurs à se rendre au château, nombreuses les joutes amicales.
    Tous eurent leur part et le plus humble des serfs fit bombance et but plus que de raison.
    Seul le curé faisait grise mine, personne dans la région ne pouvant lui dire d'où venait la belle inconnue. Mais au troisième jour de la noce, le vin et la bière, ainsi que le charme si naturel de la belle, eurent raison de ses doutes.
    Depuis ces jours, l'harmonie régna sur les terres de Thibaut.
    Ce furent des années de paix et de prospérité. Sa renommée s'étendit, car nul ne venait en son château qui n'en repartît comblé.
    L'amour de Lienne et de Thibaut jaillissait comme une source de lumière, qui se répandait sur tous les habitants de la contrée, nobles ou serfs. La terre fut fertile et les animaux bien portants.
    Personne ne pleura, en ces années-là.
    Mais la troisième année vint à s'écouler.
    Un jour, en fin d'hiver, Thibaut, rentrant chez lui, ne trouva pas Lienne.
    Il l'appela, la cherchant partout.
    Personne ne l’avait vue, ni dans, ni hors du castel.
    Thibaut avait fini par oublier la condition de Lienne. Il s'en souvint brutalement.
    Il bondit sur son cheval et galopa comme un fou vers la grande forêt. 
    Là, il erra tout au long de la rivière, pleurant et désespéré, et son cœur n'était plus qu'une immense blessure. Nulle part, il ne trouve trace de la fée.
    Des semaines durant, il parcourut la forêt, vivant comme un ermite, sans jamais voir personne.
    Un matin, au bord d'un ruisseau, il était assis à contempler l'eau, pensant à Lienne. Les reflets du soleil dansaient sur l'onde, un tourbillon en,traînait des brindilles, une petite cascade chantonnait doucement, un oiseau plus loin lançait ses trilles vers le ciel.
    Thibaut sentit la douceur du soleil sur ses épaules et huma l'air frais du matin.
    L'air était vif, léger, et racontait la forêt.
    Alors, quelque chose se déchira en lui et il vit tout ce qui l'entourait.
    Une brume légère flottait sur la rivière.
    D'un seul coup une grande joie l'envahit.
    Il revint au château. Tous étaient inquiets de le voir, mais se yeux brillaient doucement.
    Et l'harmonie continua de régner sur ses terres.